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De "fabuleux cercueils" bousculent les codes funéraires à Besançon

En forme de guitare électrique, de téléphone portable ou de benne à ordures, une trentaine de "fabuleux cercueils du Ghana et d'Angleterre" s'exposent à Besançon, suscitant fascination, circonspection ou rejet des visiteurs, bousculés par cet art funéraire détonnant.

A un cercueil ghanéen en forme de basket aux couleurs vives frappé du sigle "Nike air", l'exposition fait répondre un cercueil britannique, toujours en forme de chaussure de sport, ornée de crampons.
"Les deux pratiques sont nées dans deux contextes et cultures différentes, pourtant il existe un lien", soutient Lionel François, commissaire de l'exposition, selon qui la tradition de créer des cercueils figuratifs et originaux - mais destinés à de véritables funérailles - est née au Ghana dans les années 1950 et concerne aujourd'hui une bière sur dix.
"C'est beaucoup plus marginal en Angleterre, mais c'est néanmoins le seul autre pays où cela se pratique : la première Anglaise à vouloir un cercueil figuratif, au début des années 2000, a d'ailleurs expliqué que c'était après avoir vu un reportage sur les rites ghanéens", explique-t-il.

L'exposition démontre ainsi que les deux écoles se confondent, et que les motivations des clients sont les mêmes : une bouteille de Coca-Cola géante, fidèlement reproduite, est la dernière demeure d'un importateur ghanéen de la boisson gazeuse, alors qu'une benne à ordure jaune vif a été commandée par un petit patron britannique qui a percé dans le ramassage des déchets à Nottingham.
"Il faut que ce soit en bois et facilement inhumable", résume M. François, qui note que l'émergence du phénomène en Grande-Bretagne tient également à la religion anglicane, "assez permissive sur le cercueil".

Généralement commandés par les clients de leur vivant, les cercueils figuratifs - facturés en Grande-Bretagne 4.000 à 5.000 euros, soit le prix d'une bière haut-de-gamme - racontent forcément une histoire.
Ainsi un veuf anglais, dont les meilleurs souvenirs se sont déroulés à bord de l'Orient Express avec sa femme, a lui-même dessiné, pour son dernier voyage, les plans d'un wagon du train mythique, en se faisant caricaturer, lui, sa femme et ses enfants, aux fenêtres du convoi.

"Une seule entreprise fait ce type de cercueils en Grande-Bretagne : c'est encore assez anecdotique, mais les commandes augmentent et surtout, cette spécialisation leur a permis d'échapper à la faillite, au début des années 2000", raconte Lionel François.

Les jeunes défunts sont également concernés : une guitare électrique pour un adolescent passionné de rock, ou la reproduction exacte d'un téléphone portable, avec un SMS affiché sur l'écran, pour un jeune homme dont c'était l'objet personnel le plus important.
Au Ghana, les lions, vaches, sacs de farine ou bateaux répondent aux mêmes attentes des familles des disparus.

"On constate que les moyens de transport, ou les chaussures, reviennent très souvent: c'est l'idée du voyage, du dernier", constate le commissaire de l'exposition, devant des cercueils en forme de cerf-volant, ballerine, sac de voyage ou avion à hélice.

Parfois présentés dans des galeries d'art contemporain, les "fabuleux cercueils" exposés à Besançon interrogent le visiteur sur son rapport à la mort et au rite funéraire.
"Notre démarche se voulait également sociologique", confirme M. François, qui rappelle que "le cercueil n'existe que depuis quatre siècles" et qu'il est donc "très récent".

L'exposition est visible à la Citadelle de Besançon jusqu'au 4 septembre.


© 2010 AFP
Publié le lundi 2 août 2010 à 09h28

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